COMMERCES. La perte de services de proximité et la difficulté de maintenir à flot certaines entités inquiètent élus et citoyens dans plusieurs localités. La fermeture de succursales ou des comptoirs chez des institutions financières comme la Banque Nationale ou les Caisses Desjardins étaient à prévoir, tout comme celle de comptoirs chez Postes Canada. L’explosion du coût de la vie et l’arrivée constante de nouvelles règles font toutefois des ravages chez les propriétaires de dépanneurs et de petits commerces à travers la province.
La mise en vente de l’Épicerie Mercier à Saint-Luc fait partie des exemples illustrant la fragilité de services de proximité dans les communautés rurales (Photo gracieuseté)
Les exemples dans la région sont nombreux. Pensons simplement à la fermeture récente de la station-service à Sainte-Hénédine, celle du restaurant La Grille à Saint-Prosper, ou à la mise en vente de l’Épicerie Mercier à Saint-Luc, au cours des dernières semaines, qui touchent directement le quotidien des résidents de ces localités.
La survie des dépanneurs en région est possiblement l’exemple le plus probant, puisque les produits qui y sont vendus sont généralement plus cher qu’ailleurs et les Québécois courent de plus en plus les bas prix. Le resserrement des exigences pour l’obtention d’un permis d’alcool, les hausses de taxes sur l’alcool, le tabac et l’essence, sans oublier l’interdiction de la vente des saveurs de vapotage depuis 2023, sont autant de facteurs qui peuvent expliquer les difficultés des commerces de proximité, particulièrement les dépanneurs.
Éditeur du portail DepQuébec, Guy Leroux tient un registre des dépanneurs, tabagies et épiceries de quartier de la province à partir des permis d’alcool en vigueur. « Ça me permet de voir les tendances et je fais ça depuis trois ans. Il se passe quelque chose. Je n’en reviens pas de toutes les fermetures que je suis en train de voir », se désole-t-il.
Pour lui, il devient évident pour les commerces de proximité d’avoir plusieurs services. Il y avait plus de 10 000 dépanneurs dans les années 90, au Québec, et ce chiffre vient de passer sous la barre des 5 000 (4 983), un seuil qu’il juge critique.
Selon ses chiffres, Chaudière-Appalaches compte 384 détaillants en alimentation. De ce nombre, 264 sont des dépanneurs et 71 de ces dépanneurs n’offrent pas l’essence. Au Québec, 2 438 dépanneurs offrent le service d’essence, soit environ 58 % des établissements, tandis qu’en Chaudière-Appalaches, c’est 73 %. « On remarque qu’il y a eu 41 fermetures au cours des trois dernières années, la majorité étant sans essence. Seulement une dizaine ont ouvert », remarque-t-il.
Plusieurs causes
Selon M. Leroux, plusieurs facteurs peuvent expliquer les difficultés des dépanneurs et autres services de proximité, en plus de la compétition provoquée par les grandes surfaces. « Le modèle est sous pression. Les ventes de tabac sont en baisse, environ 8 % par année, en raison des prix élevés et de la contrebande, en plus de l’avènement du vapotage. En interdisant la vente de saveurs de vapotage il y a deux ans, le gouvernement est venu nuire au maintien de services de proximité. Il tape constamment sur les dépanneurs avec des lois comme celle-là. »
Il estime que la récente annonce de Québec d’abaisser le prix plancher de l’essence est une fausse bonne nouvelle. « Le gouvernement laisse entendre que si le prix est si élevé, c’est la faute des dépanneurs, ce qui est faux, c’est à cause des taxes. L’abandon de la loi sur le maximum d’employés le dimanche est la troisième loi adoptée par le gouvernement qui vient nuire aux petits commerces », observe M. Leroux.
La fragilité constante des petits commerces ne le surprend pas et les propriétaires ne sont pas au bout de leurs peines, selon lui, à moins que le gouvernement du Québec n’ait une préoccupation sincère pour leur maintien. Exploiter un commerce de proximité est devenu complexe et difficile, à ses yeux.
« Vous avez besoin d’un permis du MAPAQ pour vendre du lait et des œufs. Pour Loto-Québec, c’est un permis et les critères ont considérablement augmenté. Les commissions n’ont jamais augmenté, mais les services que les détaillants doivent faire sont devenus énormes. Si vous avez l’essence, les frais de cartes de crédit vont vous manger tout rond. Au niveau de l’alcool, on ne peut vendre n’importe quoi, à moins d’être une agence et encore. La règlementation est difficile et imposante dans tout », résume-t-il.
La tendance au prêt-à-manger peut devient une alternative intéressante pour plusieurs, mais celle-ci comporte des risques, selon lui. « C’est beaucoup de travail et beaucoup de pertes potentielles. Certains vont bien réussir en raison de leur localisation, leur modèle d’affaires, leur dynamisme et autres. »
Leroux estime qu’en plus de diminuer le fardeau administratif, le gouvernement pourrait aider les établissements du genre en leur permettant de vendre des produits de cessation tabagique. « Ils ne peuvent en vendre, même si c’est là que vont les fumeurs. Bêtement, c’est en vente seulement dans les pharmacies, même si c’est en vente libre. Il n’y a même pas de restrictions d’âge. »
La mise sur pied de programmes sur mesure pour les commerces de proximité n’est possiblement pas une bonne idée, à son avis, car elle indique clairement que ceux-ci ne sont pas une priorité pour le gouvernement. « On devrait chercher comment faire pour donner de l’oxygène à l’ensemble du secteur, mais ce n’est pas une industrie sexy, c’est un acquis. Les usines de batteries, l’électrification des transports, ça c’est important. Il n’y a pas de vision, de réflexion ou de questionnement, on s’en fout », mentionne-t-il en terminant.